Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 avril 2015 2 07 /04 /avril /2015 09:26

Je me comprends, disait aussi ma mère, comme pour s'excuser d'un mal-dit prêtant à malentendu: entre se comprendre et se faire comprendre, il y aurait eu, en effet, à choisir, s'il y avait jamais eu à choisir.

 

Déchue, dégradée, dépouillée, dégénérée, en errance et en déshérence, la folie hors-service, hors d'usage, obsolète, désuète jusque dans sa discipline d'élection; retournée enfin à l'inutile, à l'inutilisable et dès lors à l'inusable, à l'inarraisonnable comme à l'irrationnel ou au déraisonnable; et par l'altération de son aliénation à l'authenticité douteuse de son étymon, au vagabondage boiteux de son infirmité accidentelle et néanmoins congénitale, à la vacuité et à la vacance de son terrain vague, à la friche inamendable de sa nature sauvage, inculte, incultivable: patte folle, herbes folles.

 

Solitude absolue et absoute, solution, dissolution, résolution, absolution, absorption et résorption de solitude. Passage unique, obligé, car tout chemin y ramène, à l'un dénominateur commun et sous-entendu de tout nombre prétendu réel ou rationnel, y compris zéro, et de tout nom commun ou propre.

 

Je déconnais, disait-il, à la faveur suspecte d'une ambiguïté verbale qui tenait autant, ou aussi peu, au temps présent et imparfait qu'à la personne et au nombre singulier.

 

Partager cet article
Repost0
25 mars 2015 3 25 /03 /mars /2015 09:05

Un signe dans le ciel,

        à peine tracé

              sitôt effacé,

un trait simple, tout droit, tout bête,

      dans sa rectitude obstiné, obtus, obturé

                            à porte verrouillée et à sourde oreille,

                            au point de se corriger tout seul,

descendant, insensible, implacable,

depuis son inflexion inflexible,

vers sa fin inimaginable,

et son au-delà imaginé ou non,

                           étoilé, estrellado comme l'oeuf au plat, 

                           éventré, démantelé, déchiqueté, disséminé, épars, sur le roc, dans la neige et au soleil

 

Et de partout ça affluera pour voir et ne pas voir, entendre et ne pas entendre, comprendre et ne pas comprendre, désigner et détourner, couvrir d'écrans et d'adjectifs, de sacs et d'exclamations, de récits et de témoignages, d'analyses et d'expertises, de diagnostics et de conclusions, de regrets et de résolutions.

 

L'obscène sans raison, sans explication, indifférent à toutes les raisons que l'auteur-acteur n'aura pas données à son acte, mais qu'on ne manquera pas de lui suppléer. 

 

Et l'homme, l'homme de droit, sécurisé, protocolaire, découvre avant d'aussitôt l'oublier qu'il n'est toujours pas immunisé contre la gratuité et l'indifférence de l'acte, fût-il le sien.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
16 mars 2015 1 16 /03 /mars /2015 12:03

Je sais bien, disait-il, que je veux mourir comme je le redoute

                                   et que jamais cependant je ne serai mort

                                        que j'aurais voulu vivre 

                                    et que jamais je n'aurai été vivant

                                        qu'en vivant pourtant j'aurai goûté la mort

                                    et      en mourant                                           la vie

                                        que la vie toujours le vivant tourmente

                                    et que rien ne me consolera de la mort d'un chat 

                                        que je crève de mon ombre et de son nombre

                                                               de son nom de son prénom de son pronom

                                                               de son genre de son espèce et de sa ressemblance 

                                    et que le silence de la nuit en délivrera

                                                                                                            -- quoi ?

                                                                                                                           l'aurore ?

Partager cet article
Repost0
13 mars 2015 5 13 /03 /mars /2015 23:13

Où finit la présence commence la représentation

où finit la représentation commence le symbole

où finit le symbole commence le signe

où finit le signe commence le nom propre

où finit le nom propre commence le symptôme

où finit le symptôme commence la trace

où finit la trace commence l'absence 

                                                                   de l'autre même 

                         recommence la présence

                                                                         différée

                                                                         altérée

                                                                         aliénée

                                                                         itérée

                                                                         allitérée

 

En-deçà de l'acte et du sens l'être se retire -- au beau milieu d'un geste ou d'une phrase.

 

Calme de l'œil du cyclone, déjà dévasté, indifférent désormais à la menace imminente, comme le fond de la mer ou du ciel hors d'atteinte.

 

(Revu Persona.)

Partager cet article
Repost0
12 mars 2015 4 12 /03 /mars /2015 23:17

Qui a tant soit peu goûté la liberté de la pensée se garde bien de réclamer celle de l'expression.

You don't want to know ! Ainsi parle quelquefois l'anglais quand le français dit "J'aime mieux me taire", "je préfère ne pas en parler".

Non, vous ne voulez pas savoir ce que je pense, de crainte de savoir que vous le pensez aussi --  ce qui se pense, se trame, s'ourdit, se prépare et se calcule en moi (au sens du hšb hébreu), et en vous si ça se trouve, et hors de moi et de vous, et entre nous -- comme je vous comprends ! Cela, vous préférez le voir "en vrai" dans les journaux, aux pages des guerres ou des faits divers, quand vous vous récriez d'un "Quelle horreur !" apotropaïque pour vous persuader que vous n'y êtes pour rien.

La pensée comme l'être, Parménide s'est abstenu de dire que c'était aussi le même crime.

Contre l'humanité bien entendu -- quoi d'autre désormais ?

Entre l'inhumain et le trop-humain, un homme a-t-il jamais eu la place de se tenir debout ? Sans se vautrer aussitôt d'un côté ou de l'autre, et des deux à la fois ?

Humanitaire, le dernier homme, le dernier degré de l'humanisation et de l'humiliation de l'homme, de son abaissement aux antipodes de l'imago dei ? -- So far: it's still early !

Et si l'épiphanie du visage de l'autre, comme disait si bien Lévinas, était celle de la tête à claques ? Ecce homo dont la monstration après avoir requis et imposé le respect, dissuadé, intimidé, inhibé, interdit, réprimé, refoulé la violence homicide la déchaînerait de plus belle, là où il apparaît précisément souffrant, torturé, angoissé et suppliant -- insupportable comme soi-même, comme cette image de soi-même dont on ne peut que détourner le regard, dont on ne pardonne à personne et surtout pas à Dieu de ne pas le faire ?

Le dernier homme, le plus laid des hommes, l'assassin de Dieu selon Zarathoustra.

Au-delà, rien que le retour, éternel ou pas, le repli sur l'en-deçà: il faut entendre surhumain comme on entend survivre (übermensch, überleben).

Partager cet article
Repost0
10 mars 2015 2 10 /03 /mars /2015 11:24

Un instant, dit-il, la vie sans moi m'avait paru si belle, si légère, qu'il m'avait semblé d'autant plus cruel d'y devoir renoncer.

 

Patiemment, laborieusement, la vie pousse et creuse ses formes, légèrement elle les passe et les abandonne derrière elle -- dans le fleuve ses gorges, ses plaines et ses méandres, dans l'arbre son tronc et sa ramure, dans l'escargot sa coquille, dans l'homme son visage, son corps, puis son cadavre et son squelette, dont le crâne paraît rire de se découvrir  enfin vide.

 

Dieu marche lentement, on le dépasse sans le voir. Le sait quiconque a réglé, si peu de temps que ce soit, son pas sur le sien.

 

Partager cet article
Repost0
4 mars 2015 3 04 /03 /mars /2015 21:30

Je

      témoigne 

                                                                                                       en ce monde

      comme une trace

                                       indélébile

                                                          tant qu'elle s'efface

                        d'un frisson 

                        d'un frémissement 

                        d'un trouble 

                                                                                                         -- le sien

                                                                                                             le tien

                                                                                                             le mien -- 

                                                d'avoir été 

                                                                   là

                                                                                                       et si peu que ce soit

                                                                       connu et reconnu

                                                                       vu revu déjà vu

                                                                       senti ressenti pressenti

                                                                       nommé dénommé renommé

                                                                       marqué démarqué remarqué 

 

Partager cet article
Repost0
27 février 2015 5 27 /02 /février /2015 13:43

En toute ousia une parousia, avec tout être un par-être qui est aussi doxa: le venir, le provenir et l'advenir d'un avènement et d'un événementla profondeur ou le retrait de sa provenance, la trace, en creux, en défaut de substance, d'un passé et d'une absence; déjà, en excès sur l'état, la face et le rayonnement d'un avenir, son déploiement, son expression, sa manifestation, son éclat, son paraître véridique et trompeur, sa parodie, son écho et sa rumeur; en toute présence, fût-ce de soi à soi, le tremblé d'une différence qui fait vaciller l'identité tautologique, trouble sa définition, et la rend vibrante, effective, simultanément cause d'un effet ("phénoménal") et effet d'une cause, obscure comme son ombre. Spectralité et spécularité par quoi, d'un rien ambigu, le réel le plus ponctuel diffère de lui-même. 

 

Pas, pulsation, battement, espacement, l'unité atomique, indivisible, de l'être en différance, où l'un se donne d'être plus et moins que lui-même.

 

 

Partager cet article
Repost0
21 février 2015 6 21 /02 /février /2015 21:56

ἐλθέτω χάρις καὶ παρελθέτω ὁ κόσμος οὗτος

vienne la grâce et passe ce monde !

 

Par quel étrange chemin lui était revenu, du fond de la liturgie eucharistique de la Didachè (x, 4), l'écho de ce double jussif, qui lui semblait à présent parmi les plus belles, en tout cas parmi les plus franches expressions du pathos chrétien, de son désir de mort et de vie, de substance et de destruction, simultanément espérance et souffrance, patiente et impatiente ? Chrétienne en effet, et ecclésiastique, cette synthèse orientale, probablement syrienne comme l'évangile selon Matthieu, où se mêlaient dans le vocabulaire comme dans la syntaxe l'hellénistique et le sémitique, la conceptualité et  la temporalité. Vienne, arrive, en lieu et place du règne-royaume, une grâce dès lors conçue comme avènement et événement, mais aussi comme substance et étendue; à la place de ce monde ordonné, solide de la solidarité d'un système où tout se tient, qui occupe toute la place et qui devrait donc la lui céder, devant elle se défaire, se désolidariser, se désintégrer, se décomposer. Grâce et monde opposés dans le même espace, comme le fluide au solide, le mouvement à l'état (avec et sans majuscule), la première chassant, évacuant, ou peut-être emportant le second.

 

Ce voeu, caché il est vrai au coeur du mystère réservé aux initiés, expliquerait à lui seul le soupçon tenace de misanthropie qui pesait sur la secte aux yeux du monde "païen" -- bien que la charge de misocosmie, non moins subversive, mais moins facilement exploitable en démagogie, eût été plus justement fondée en l'espèce; et rejoint dans l'histoire des formules une longue série de périsse(nt) idéalistes, moralistes, révolutionnaires ou anarchistes. La grâce y ayant cependant plus de grâce que tant de principes au noms desquels le monde eût dû périr.

 

Ne jetez pas vos larmes aux pourceaux, aurait-on pu dire.

Partager cet article
Repost0
19 février 2015 4 19 /02 /février /2015 21:48

La contradiction, l'oxymore, le paradoxe -- l'esprit, le goût de tout cela -- paraît idiosyncrasie, lubie ou perversion personnelle, ou bien mode collective d'une époque (décadente de préférence). Il ne saurait en être autrement. Mais rien, jamais, ne saurait être, ni paraître, autrement. Autrement dit, autrement qu'autrement.

La bifurcation, dès qu'il se dévoile, de l'être en autre, de sa vérité (a-lhqeia) en évidence aussi trompeuse, en apparaître et en paraître, en apparition véridique et en apparence séductrice, en phénomène et en simulacre, telle est la dépense exorbitante de son économie -- l'avare prodigalité de sa pro-duction ou de sa manifestation.

L'invariant, le même, paraît où il disparaît; se donne, se livre, se traduit et se trahit, se distingue, se discerne et se relève, se montre et se cache à la fois, dans l'infiniment variable.

Sans la  réserve de l'un, pas de deux ni de trois, encore moins de zéro; sans la négation qui affirme en se doublant, toujours en plus d'un sens, sans la division du multiple qui le déploie et le perd, sans la divergence du divers, la dissémination de l'épars, l'antagonisme de l'adverse, pas d'un. L'essence, dès lors qu'elle se dégage d'elle-même, est différance, parodie, déguisement, travestissement, l'espace de la scène ou de la page, le temps du drame ou du récit.

Du même dans l'autre, à la lettre, à même l'autre, dans l'allitération de son altérité et de son itération, voilà ce dont il y va en tout il y a. 

Cela se voit, cela se dit -- contradictoirement bien sûr -- du non-lieu de la métaphysique (meta ta jusika : ouden); hors réalité, hors monde, hors loi, dans cet impossible dehors qui ne saurait se pratiquer qu'au dedans, illusoirement, frauduleusement, illégitimement, en contrebande. 

Cela fait signe, mais signe ambigu -- de vie, de mort, de liberté (la seule abstraction qui tiendrait, fragilement, à la faveur équivoque de son absence de contenu). De quoi, à qui, deux questions pour une réponse que j'ignore tout à fait; et cela pourtant je le connais déjà, mieux que lui-même ne se connaît, mieux que je ne me connais moi-même: comme je suis connu.

L'intelligence, espèce serpentine, reptilienne -- aussi rusée, roublarde: il n'est pas défendu d'être intelligent, disait mon père -- file et se faufile entre les lectures et les ligatures, glisse entre les doigts qui se font forts de la saisir; elle-même d'ailleurs ne saisit rien, n'appréhende rien (elle n'a pas de mains), elle échappe.

Vous ne mourrez pas, disent à l'unisson le serpent de l'Eden et le Christ johannique. C'est faux parce que c'est vrai, c'est vrai parce que c'est faux.

Vérité du mensonge, mensonge de la vérité: infirme fermeté d'un fond qui n'en finit pas de se dérober.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Narkissos
  • : un peu de rien, un peu de tout, derniers mots inutiles tracés sur le sable, face à la mer
  • Contact

Recherche

Archives

Liens