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4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 09:11

Maurizio Manco, l'ami florentin que je ne présente plus (on retrouvera nombre de ses aphorismes dans la rubrique intitulée "Pages", à droite de l'écran), a bien voulu me communiquer un recueil de sa production de l'année dernière (2021) -- millésime rare et de grande qualité. J'en traduis ci-après, avec son aide sinon sous son contrôle, une sélection (tout n'est malheureusement pas traduisible, en particulier les jeux de mots; et tel aphorisme "original" dans une langue donnée se trouve être un lieu commun, voire un proverbe dans une autre, même voisine, ce qui est déjà en soi un sujet de méditation):

 

Le pessimisme, c’est l’autodéfense des désillusions.

 

C’est la croyance des hommes qui maintient les dieux en vie.

 

Faire la révolution depuis son canapé, c’est allier l’avantage du confort à la vertu de l’inefficacité.

 

Nous sommes faits de la même distance que les rêves.

 

Au temps d’Esope les animaux parlaient; depuis, ils sont devenus sages.

 

La tentation de décomprendre ce qu’on a compris.

 

La vie est une longue préface à l’oubli.

 

Les héros sans point faible sont antipathiques.

 

Considérer toute occasion comme une menace pour son oisiveté.

 

Je suis pragmagmatique.

 

La pensée est un diaphragme, où clarté et profondeur sont inversement proportionnelles.
Le défi consiste à l’ouvrir ou à le fermer tour à tour, juste ce qu’il faut pour obtenir l’effet voulu.

 

Le dernier acte de l’humanité consistera à filmer l’apocalypse avec des milliards de smartphones.

 

La litote est une forme retorse d’ostentation.

 

Ne regarde pas le drapeau, mais le porte-drapeau.

 

La matière est la condensation de la terreur du néant.

 

Parler la même langue, c’est multiplier les occasions de méprise.

 

Mieux vaut ne pas connaître l’animal dont on mange la chair, ni l’écrivain dont on le lit le livre.

 

Le silence est le bruit de l’imperceptible décomposition de toutes choses.

 

Le suicide est une lâcheté courageuse.

 

Dans un discours, « Je m’explique » est souvent le préambule à une obscurité supplémentaire.

 

Un trauma nommé désir.

 

Il y a des esprits dont les seules fenêtres donnent sur la cour.

 

Il est en nous des terres inconnues, à explorer avec prudence : ibi sunt leones.

 

Une grande œuvre enseigne à la regarder. Mais la leçon est différente pour chacun.

 

Je veux tout, et je doute.

 

Si le bousier avait sa propre taxonomie, il appellerait son espèce Geotrupes sapiens sapiens.

 

La réalité est l’hallucination qui rallie une certaine unanimité.

 

Primum bibere, deinde philosophari.

 

Le couchant sait ce que l’aube ignore.

 

Trop vrai pour être beau.

 

Combien sont morts au nom de dieux qui n’existent plus ?

 

Je lutte pour une juste pause.

 

Si la vie a un sens, ce n’est sûrement pas celui du tact.

 

L’aspirateur est le symbole parfait de l’inanité de tout effort humain.

 

Une seule façon de naître, d’innombrables façons de mourir : la mort est indubitablement plus créative.

 

L’urne funéraire où finissent les cendres a sensiblement la même capacité que l’utérus : il y a là une certaine logique circulaire.

 

On peut tout dire du grand théâtre du monde, sauf que ses affiches soient ternes.

 

Certaines lectures sont un poison balsamique.

 

Il est significatif que la vie commence par une expulsion.

 

Un respect apparent peut être un mépris silencieux.

 

L’éternité est une maladie du temps.

 

Trouvant trop difficile de se changer eux-mêmes, ils préfèrent changer le monde.

 

Le pouvoir convaincu d’être reçu d’en haut est le plus dangereux.

 

La sensibilité à la flatterie est un symptôme de médiocrité.

 

Les explications mathématiques du monde en laissent l’énigme intacte.

 

Compulsion mystérieuse qui nous pousse presque irrésistiblement à arracher les croûtes d’une plaie, en sachant très bien qu’elle va de nouveau saigner.

 

Un paysage est enchanteur aussi longtemps qu’on n’a pas chaud, froid ou faim.

 

La littérature, contrairement à la vie, ne supporte pas les répétitions.

 

Pour un aphorisme qui devient grand, beaucoup sont étouffés dans le berceau.

 

Du caviar on ne jette rien.

 

Un conservateur est quelqu’un qui a des valeurs à défendre -- en banque le plus souvent.

 

Tous les problèmes existentiels ont une origine commune : l’existence.

 

Tel est le destin des temples, que changent les dieux qu’on y adore.

 

De toute évidence, l’homo sapiens sapiens se surestime.

 

La croissance est un retrait progressif des illusions sur le monde.

 

On ne saurait réfuter par la logique des convictions qui se sont formées sans elle.

 

La vie est une roue. Dentée.

 

La nature ne se hâte pas de congédier l’homme, elle lui laisse le temps de voir croître et mûrir ses erreurs.

 

La vieillesse est le processus par lequel nos organes vitaux se transforment en organes mortels.

 

La vie nous veut morts.

 

La vie est une broderie sur la toile du néant.

 

Les religions, ces contes pour adultes qui finiraient bien.

 

Pour le martyr, sa cause est toujours la bonne.

 

S’en aller avec l’élégance d’une feuille qui tombe en planant.

 

La fiction a atteint un niveau de réalisme inaccessible à la réalité.

 

La vie est un cadeau : on en a effacé le prix.

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