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4.1.97

A toi qui viens

         qui liras ces lignes ou ne les liras pas

      à qui mon visage sera tendre

                                          ou effrayant

                                          ou inconnu

A toi qui es déjà trop vraie pour que je t'imagine

Qui suis-je pour t'accueillir

                                             en ce qui est si peu mien ?

Je suis celui qui depuis toujours demande l'impossible

                  et qui n'obtient jamais que de l'improbable

                   qui n'est pourtant que lorsqu'il demande

                                                                     le ciel sur la terre

                                                                     le pardon des offenses

                                                                     l'amour des ennemis

                                                                     l'abaissement des superbes

                                                                     l'élévation des humbles

Voilà celui qui t'accueille

Voilà où il t'accueille

Que ta raison ne t'empêche pas

                                                   de demander l'impossible

Que ta folie ne te fasse pas croire

                                                     que l'impossible est possible

Voilà ma vie, voilà ma mort.

Bienvenue.

 

5.1.97

Ma demande d'impossible n'a pas d'autre réponse que celle que je lui donne.

Je l'invente: je la trouve, je ne la fabrique pas.

Qu'elle soit trouvée, si simple, quand tout s'obscurcit, voilà le miracle.

C'est le second miracle d'Augustus (cf. la nouvelle de H. Hesse).

Un miracle, ou un mystère.

C'est-à-dire un secret qui peut être clamé sur les toits sans être jamais dévoilé

qui peut être indéfiniment entendu comme une morale niaise

qui n'est compris que dans l'émerveillement, pour être aussitôt oublié

qui ne s'ouvre qu'à celui qui demande l'impossible.

Je t'en dis le mot: je ne t'en dis rien:

Aimer, c'est-à-dire servir.

Tu vois, ce n'est rien.

Demande un jour l'impossible, et tu comprendras.

Contente-toi à nouveau du possible, et tu l'oublieras.

 

6.1.97

Au coeur du temps où s'enfante, dans une indicible douleur, la seconde suivante,

dans le creuset du devenir d'où jaillit l'inouïe possibilité de l'indifférence à soi,

là où le pas ralentit sous l'éveil, dans le frisson du vrai,

je t'attends.

Déjà ta peine et ta joie sont écrites

dans l'espace de notre différence.

Pas de merci, pas de pardon:

Poésie sur palimpseste.

7.1.97

Donner la vie --  à qui ?

On la laisse seulement aller plus loin,

avec les mots qui la peindront

                                                 de malheur et de bonheur.

Pourquoi ? demande-t-on.

Seuls restent ces mots, tellement usés

qu'à travers eux on entend le silence couler:

la foi, l'espérance, l'amour

l'attente de l'autre.

Si l'amour est le plus grand des trois, c'est peut-être parce qu'il persiste à attendre l'autre en dépit de sa présence.

14.1.97

Tu es fille,

Grâce à toi je regarde autrement l'autre moitié du monde.

Tu rends proche de moi ce qui m'est le plus étranger.

"Je suis fille."

Torsion symétrique, aliénation symétrique du Je.

Approximativement symétriques, car la polarité n'est pas immobile.

Frontière bienheureuse de mon vouloir.

Je ne te rejoindrai qu'en espérance,

dans la solitude éternelle du Je.

16.1.97

Je nais pour un instant, unique,

d'éveil émerveillé

au sein de la torpeur infinie du temps,

entre le rêve espérant de l'enfance

et le cauchemar abruti d'une absurde vieillesse

cerné par l'horizon sans faille

de ma grotesque identité.

30.1.97

Nous t'avons frayé un chemin d'arbitraire

celui qui nous fut enseigné

à peine dévié de nos dérisoires tangences

espérant la tienne autant que nous la redoutons

comme un signe d'ailleurs.

3.2.97

Tu es là,

Si belle.

Ma petite fille

Je ris de te voir

Je tremble pour toi

Par toi je deviens réel.

C'est si peu dire que je t'aime !

Rien de plus fort que ta faiblesse

Tu tiens bon.

Tu m'entraînes dans la certitude de ton ignorance.

Tu es la vérité.

Ne l'oublie pas.

17.2.97

Le malheur, jamais bien loin, d'un coup de griffe distrait me ramène à ton absence.

Tu es là, quand même.

Comment aurais-je pu savoir que le visage de ma mort serait aussi joli ?

En ces jours où se forme entre nous le pli de ton être, comment ne pas frémir en vain ?

24.4.97

L'autre, unique visée de ton désir.

Dès qu'il devient même, tu regardes plus loin -- tu te fais lointaine.

Respecter ou mourir, sous peine de survivre

-- telle est la loi mille fois transgressée.

17.6.97

Mourir de soi, mourir à soi,

Mourir à l'être et naître en joie,

Saisir la forme en s'en déprenant

31.7.97

Chercher le sens

De tout sens trouvé percevoir la limite

et chercher encore.

20.8.97

Dans tout ce qui s'est fait de beau il n'a jamais été question que d'amour et de mort.

La mort n'est rien, certes. Elle n'est crainte ou espérée qu'en vertu de l'illusion d'optique inhérente à toute subjectivité.

20.9.97

L'amour est l'urgente sortie de soi -- avant la mort.

Mais l'urgence ne dit que l'enfer de son impossibilité.

"Tu aimeras" -- futur à saisir non comme impératif mais comme avenir.

- espérance: tu finiras par aimer

- désespoir (de soi), tu n'auras d'autre issue que d'aimer.

amour comme fin de soi, bien distincte la mort biologique.

Heureux celui qui meurt d'aimer, certes

-- mais ce bonheur est rare.

Plus souvent il advient comme transfiguration, au coeur du voyage. Prolepse sans parousie.

Fin pourtant, terriblement certaine, à la mesure même de sa joie.

Le lendemain est impensable.

Il est l'espace centrifuge de la dissémination, au double sens du témoignage de la trahison.

Toujours équivoque: théorème de Pasolini.

 

Le 5.10.97

Cloaque putride de nos appétits et de nos dégoûts, de nos amours/tendresses et de nos haines, de nos générosités et de nos mesquineries, de nos enthousiasmes et de nos angoisses. Bourbier sans fond où la causalité et la pesanteur ne laissent aucun espace, sinon celui que se fraient lentement les bulles fétides de souvenirs pour remonter au soleil.

Dieu qui est dans le secret...

Non-être indispensable entre les êtres.

Témoin aussi irremplaçable qu'in(-)existant entre moi et moi comme entre moi et l'autre.

-- Tu te réjouis devant le miroir.

(Comme disait à peu près Cocteau, les miroirs feraient bien de réfléchir à deux fois avant de renvoyer les images.)

Il t'annonce déjà l'heureuse et terrible surprise de l'être.

Mais tu n'as pas encore capturé son image.

Y croiras-tu, en douteras-tu

au point de la lui redemander sans cesse ?

ou bien au point de la fuir et de ne plus la voir?

Homo sapiens sapiens: un jeu de miroirs tragi-comque.

Nul ne serait humain sans image de soi,

pourtant l'image est mortifère, insatiable vampire du vivant.

"Leurs yeux s'ouvrirent et ils virent qu'ils étaient nus".

Cette vue-là rend aveugle, qui rebondit sur l'autre comme sur un miroir.

Il faut que le "je" apparaisse en l'autre (ou en l'un) pour rompre le charme.

Il n'y a qu'une chose à faire: advenir, toujours à nouveau, dans la présence du regard comme dans l'absence de l'écriture.

Seule la lumière du Verbe te constitue -- me constitue -- comme sujet. Dans le réel, avec une image de soi, face au autres. Mais différent(e) de tout cela, irréductiblement différent(e), jusqu'à la solitude éternelle.

Eternelle comme tout ce qui est vraiment toi.

26.10.97

Belle et froide journée d'automne.

Joie sans partage d'être soleil.

Envie de te le dire, sans même regretter de t'avoir écrit presque toujours dans le malheur.

Tu dors.

Quel bonheur avec toi !

Ton rire est le joyeux non-sens de l'existence.

Puisse la porte ne jamais t'en sembler fermée !

Cette chaude maison d'inconscience sera à jamais

  la demeure secrète où tu pourras revenir,

de toute celles où tu sauras être,

heureuse ou malheureuse.

Je t'aime, petite fille

Telle est la grâce dont tout, pour toi, sera fait,

-- même ce qui paraîtra le plus la trahir.

Il n'est que les dimanches sans lundi.

17.4.99

Un an et demi et une maison plus loin.

En tout ce temps-là ne suis-je donc pas revenu

au mal-heur qui seul me fait écrire ?

Désespoirs et joies se sont faits modestes.

Ils se sont suivis sur la pointe des pieds pour ne pas le / me réveiller.

Quel bonheur entre-temps, fût-il muet et stérile, de te regarder grandir, marcher, rire, parler, chanter.

Comme je t'aime !

Si c'est un rêve dont je m'éveille, que l'éveil ne soit qu'un tremplin pour y replonger plus profond et plus pur.

Les décors de ta tragédie déjà sont plantés.

Qu'y aurait-il de plus grave, pour qui se heurte sans cesse aux murs du soi, que de déterminer un autre moi?

A moins que la chose la plus sérieuse au monde ait finalement très peu d'importance.

Car ce qui compte, c'est que le soleil se lève,

que ma maison n'en ait qu'une faible lueur ou qu'elle soit inondée de sa lumière.

 

 

 

         

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Published by Narkissos

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