On ne peut pas être et avoir été.
-- Être, c'est précisément avoir été.
(Exemple de contradiction dont les propositions s'excluent formellement et se compliquent subtilement, ne se réfutant mutuellement que pour se relancer l'une l'autre, dans un sens à peine différent à chaque fois, altérant leur itération alternative selon le mouvement perpétuel d'un pas de danse qui seul les réconcilie.)
Le retrait des désirs et des peurs laisse apparaître nue la honte éternelle d'être ou d'avoir été soi, homme, femme, animal, dieu ou tout cela à la fois; le temps que reviennent la mer, la nuit et l'oubli la recouvrir, tel le manteau de Noé.
Les tours et les détours sémantiques et stylistiques, périphrases et circonlocutions comparatives ou métaphoriques, qu'il faut à la langue pour décrire ou évoquer à grand peine un goût, un parfum, un son, un toucher, un plaisir, une douleur, une émotion, un sentiment, une perception, une sensation -- même le sens de la vue auquel elle a pourtant accordé un privilège exorbitant sur tout le reste -- au-delà d'une grille élémentaire d'indexation lexicale, indicative et conventionnelle (salé, sucré, couleurs, etc.) censée fonctionner par référence directe d'une expérience à l'autre dont chacun ne connaît que la sienne donnent, à l'instar de cette phrase, une furieuse envie de silence.
"C'est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases." (F. Blanche, J. Audiard, G. Lautner, Les tontons flingueurs).