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15 juillet 2018 7 15 /07 /juillet /2018 10:24

Le nom propre, en particulier personnel, ne se laisse traduire ou interpréter que par une tautologie; cf. Exode iii, où le dieu unique se présente, à la lettre et en plus d'un sens, comme n'importe qui: je suis ou serai que, qui ou ce que je suis ou serai, voilà bien ce que tout parlant pourrait dire, et ne saurait dire sans parler pour ne rien dire.

Malgré les traces, les vestiges, les échos et les ombres de sens qui hantent l'articulation de son phonème et le tracé de sa signature, il ne signifie rien, sa fonction même l'exige. Jusque dans le contexte où il désigne et réfère, indifféremment d'ailleurs à un être "réel" ou "imaginaire", sa désignation et sa référence singulières ont pour corollaire son interchangeabilité grammaticale, structurelle et fonctionnelle: tout nom propre peut être remplacé par n'importe quel autre nom propre, ou pronom, sans que la proposition change de signification.

Le soi-disant personnel ne s'ajoute pas au prétendu réel comme la superstructure à l'infrastructure, ni comme la cerise sur le gâteau, ils se retrancheraient plutôt l'un de l'autre, comme deux modes d'ek-sistence symétriques. Plus on serait quelque chose, moins on serait quelqu'un, et réciproquement: cette polarité ambiguë, pour avoir un sens ne fût-ce que dans la langue, ne s'arrête à aucune limite et ne délimite aucun domaine -- ni "langage", ni "homme", ni même "vivant". La complicité antagoniste de ses termes sollicite, revendique et récuse tout concept de réalité et de personnalité -- a fortiori d'irréalité et d'impersonnalité.

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14 juillet 2018 6 14 /07 /juillet /2018 11:19

Dans la modulation répétitive et compulsive du rossignol face au soleil couchant, le religieux reconnut sa religion, le penseur sa pensée, le savant son savoir, l'artiste son art, l'artisan son métier.

Le Weltbildend ne configure pas son monde sans en dépouiller, préalablement en droit et continuellement en fait, le Weltarm: lutte des classes aussi entre "l'homme" et "l'animal", et d'abord dans "l'homme". "Innocente" également, dans un sens: seul le pauvre-en-monde voit le monde qu'il perd -- l'"ouvert" de Rilke, que clôt celui de Heidegger.

Combien de décennies d'existence individuelle, de millénaires d'histoire, de dizaines de millénaires de préhistoire, de millions d'années d'évolution biologique, de milliards d'années de physique, pour une capacité d'intérêt qui n'excède guère le quart d'heure. Ce serait à nous dégoûter de la téléologie, si nous n'étions la téléologie et la tautologie mêmes.

Le courage a toujours été nihiliste, presque toujours à son insu. Quand par exception il l'a été lucidement, ce fut sous les espèces contraires de la paresse ou de la lâcheté: il ne se savait même pas courageux.

 

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13 juillet 2018 5 13 /07 /juillet /2018 10:40

La question de la justification telle qu'elle se pose et se repose, d'une époque et d'un contexte à l'autre -- de saint Paul à Sartre en passant par Luther ou Nietzsche, par exemple -- ne laisse pas d'être juridique parce qu'elle est aussi anti- ou anté-, para- ou quasi-, hyper-, ultra-, extra- ou archi-juridique: au-delà, en-deçà ou en marge de toute loi positive et de toute justice distributive c'est encore le droit qu'elle sollicite, dans sa forme et dans son fond, à sa limite et à son fondement; le principe même du droit qui se joue sur chaque point de droit, en théologie, en philosophie, en science ou en morale comme au tribunal: elle n'ébranle pas l'empire de la loi et du jugement sans le confirmer et, d'une certaine manière, l'étendre; c'est peut-être, du reste, en l'entraînant au-delà de toute frontière, en lui subtilisant les bornes de sa juridiction, en lui faisant remarquer son universalité effective, aussi universelle qu'il le prétend mais plus qu'il ne le croit, qu'elle le compromet le plus gravement -- par perversion périphérique plutôt que par subversion fondamentale, ou radicale.

Il faudrait sans doute prendre plus au sérieux qu'on ne le fait habituellement la dénégation ou protestation rhétorique de l'épître aux Romains (iii, 31): νόμον οὖν καταργοῦμεν διὰ τῆς πίστεως; μὴ γένοιτο. ἀλλὰ νόμον ἱστῶμεν -- legem ergo destruimus per fidem ? absit ! sed legem statuimus: "annulons-nous donc (désactivons-nous, neutralisons-nous, mettons-nous hors d'usage ou d'effet) la loi par la foi ? En aucun cas ! Au contraire, nous établissons la loi." (Il faudrait aussi rétablir le "s" de ce dernier verbe pour y réentendre l'écho d' ἵστημι, de statuo, de tous les stand, stehen, stellen, de l'installation, de l'instauration de tous les états, avec et sans majuscule; par toutes les stations et les statuts plus ou moins stables de ce qui tient [debout] ou tombe).

Certes, il y a là aussi du tour de passe-passe ou de bonneteau, de la contrebande, de l'astuce de prestidigitateur, de bonimenteur ou de bateleur, puisque sous le même mot de nomos le lecteur est mené, pour ne pas dire baladé, de la Torah-loi à la Torah-livre-et-récit (Abraham, chap. iv), donc de la loi "proprement dite" à ce qui sous le nom de loi la précède, la fonde ou l'emporte dans son effondrement; et entre principe ou état de droit en général, droit romain et torah juive en particulier.

Souci tenace de la justification, impossible nécessité de sa polysémie -- en chaque domaine ou champ, ce qui pourrait aussi se dire oikos ou nomè, logique, scientifique, technique, éco-nomique, il y va toujours d'un droit ou d'une loi dans un sens qui, pour opérer différemment, n'en est pas essentiellement ni foncièrement autre. Une justification, même si elle s'oppose modalement à une autre, relève par définition d'une loi (l'épître aux Romains n'élude pas cette évidence, cf. v. 27: διὰ νόμου πίστεως; et encore viii, 2).

Il n'est pas question d'être justifié sans justifier en retour la loi et le jugement dont la justification procède -- le "contraire", si l'on peut dire, est moins simple: le condamné peut donner raison, objectivement et même subjectivement, à la loi et au tribunal qui le condamnent; mais il peut aussi leur donner tort (autre schème important des christologies primitives, y compris paulinienne, cf. 1 Corinthiens ii, 6ss etc.; en condamnant le Christ, les instances législatives et judiciaires se condamnent; mais forcément au regard d'une instance législative et judiciaire supérieure).

Le jeu de miroirs de la "conscience" ne fait pas l'économie d'une telle instance, qui redouble tout être, tout acte ou tout événement d'un savoir et d'un jugement de valeur, approuvant ou désapprouvant, acquittant ou condamnant: c'est son économie même. Seule une grâce, en tant qu'exception suspensive du système légal et judiciaire dont elle dépend néanmoins par définition, se passerait de justification (ce que saint Paul semble avoir été tout près de voir, mais n'a pas vu ou du moins n'a pas écrit; cf. iii, 24; v, 21; l'Unschuld nietzschéenne n'en était pas loin non plus).

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12 juillet 2018 4 12 /07 /juillet /2018 11:52

Parmi les nombreux effets (probablement) inattendus du télescopage des deux récits (dits) de création dans la Genèse (i, 1--2, 4a; 2, 4b--3): l'homme et la femme, se voyant à l'image de Dieu, eurent honte. -- Peut-être, d'ailleurs, n'en fallait-il pas moins pour qu'il y eût effectivement création.

Crainte de se perdre, crainte de ne pas se perdre. Nul n'a engendré (ou enfanté) qu'un nœud d'angoisse supplémentaire.

L'événement crée l'organe et l'organisme, qu'il tisse ou façonne de besoin et d'opportunité, de peur et de désir. Sans même le faire exprès. Lumière aveugle comme un bruit sourd, suscitant des forêts d'yeux et d'oreilles.

La décadence affine la souffrance aussi bien que la jouissance. Ce qu'elle gagne en nuance, elle le perd, heureusement, en importance.

La plus improvisée ou la plus désinvolte des fins vous garderait un air de finition, voire de fignolage..A la fin du monde, le fin du monde ?

 

 

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11 juillet 2018 3 11 /07 /juillet /2018 11:20

-- Qu'entendez-vous par nous ? et par je ?

-- Moins d'être-là que de tra-la-la.

(Tra- du trait et de la trace, de la traction et de l'attraction, de la traduction de la trahison, de la transcription et de la translation, du travers et du travestissement, du transi et du transit, de là à là sans ici ni maintenant, jamais, nulle part.)

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10 juillet 2018 2 10 /07 /juillet /2018 09:37

Ladite "nature" ne contrôle pas ses naissances: elle ne compte ni sa souffrance, ni sa jouissance, parce qu'à la lettre elle ne s'en rend pas compte: elle ne se les rapporte pas, ne se les approprie pas, ne les fait pas siennes; elle ne répond de rien ni de personne, et surtout pas d'elle-même. Ni sujet ni conscience ni somme, irresponsable et irréfléchie, si nombreux que soient les miroirs qu'elle se tend.

Chaque corps en revanche organise son monde à son image, où il joue avec et contre des simulacres d'autres, sans que jamais deux mondes s'interpénètrent, autant qu'ils se devinent, se rencontrent, se heurtent ou se déchirent.

A chaque vision de Huit et demi, l'émerveillement est neuf: la mémoire ne se maintient pas à ce niveau. Tutto è vero (déjà).

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9 juillet 2018 1 09 /07 /juillet /2018 10:47

Derrière toute vie et tout mouvement, toute spontanéité, légèreté, agilité, souplesse, fantaisie, improvisation, toute grâce et tout esprit en somme, la condition nécessaire d'une rigueur physique, chimique, mécanique, dynamique, organique -- en ce qui nous concerne, squelettique et cadavérique,.

Tel ne trouve sa liberté que le dos au mur, le couteau sous la gorge ou le pistolet sur la tempe.

L'être est épris de nécessité -- je note en l'état et en désespoir de cause cette formule que ma mémoire a sans doute trop déformée pour que j'en retrouve l'origine (Aristote, Spinoza, Leibniz ?).

Nécessité seconde qu'aucune nécessité ne fonde -- navegar é preciso, viver nâo è preciso.

Nemesis fille de Zeus et d'Anankè. Celle-ci à la place de la femme et de la mère -- Ashéra ou Eve ailleurs. Il n'est pas bon que l'homme soit seul, disait-il.

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8 juillet 2018 7 08 /07 /juillet /2018 10:13

C'est avec leur "inconscient", non sans, que les hommes sont égaux: entre eux et à toute chose. Et de son inconscience qu'ils se mesurent, les uns aux autres et à toute chose (comme étant ou non, ainsi que Platon transcrit, traduit et trahit Protagoras).

Nuit plus vaste que le jour: au jour utile, sa décharge d'inutile et sa ressource d'utilité au jour le jour; à la nuit la nuit, sauf le nom (récitez les noms propres des propriétaires si le cœur vous en dit): à la scène éclairée, l'obscurité commune des coulisses et de la salle, nécessaires comme elle au mystère et à sa mystification: le point de vue différemment mais également obscur et imposteur de l'auteur et du spectateur; l'acteur dans la lumière, masqué ou non, étant encore de tous le moins voyant et le moins entendant, aveugle à sa propre apparition, sourd à sa propre voix.

καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει καὶ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν... Καὶ λόγος σὰρξ ἐγένετο καὶ σκήνωσεν ἐν ἡμῖν καὶ θεασάμεθα τὴν δόξαν αὐτοῦ... (Evangile selon saint Jean, i, 5.14). A la lettre, éclairage, mise en scène et théâtre; spectacle gratuit de théorie et de contemplation, que s'offre en vain la ténèbre sans commencement ni fin, qui seule entend et voit ce qu'elle ne saurait comprendre.

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7 juillet 2018 6 07 /07 /juillet /2018 10:17

ἐξ ὧν δὲ ἡ γένεσίς ἐστι τοῖς οὖσι, καὶ τὴν φθορὰν εἰς ταῦτα γίνεσθαι κατὰ τὸ χρεών· διδόναι γὰρ αὐτὰ δίκην καὶ τίσιν ἀλλήλοις τῆς ἀδικίας κατὰ τὴν τοῦ χρόνου τάξιν (Anaximandre, selon Simplicius): en chaque "être" une injustice, une imposture et une tyrannie qui attendent leur destitution.

Tout est dit depuis l'aube -- le dieu des prophètes aussi se levait de bonne heure pour charger leurs épaules avant que de les envoyer (שָׁכַם, Jérémie vii, 25 etc.): l'histoire, l'univers même comme le délai d'un mal qui tarde à trouver son issue, son remède ou sa guérison, son châtiment ou sa vengeance, et qui en attendant se complique, de beauté et de monstruosité, de bonté et de méchanceté, d'intelligence et de bêtise.

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6 juillet 2018 5 06 /07 /juillet /2018 15:37

Rien à la place d'aucune chose, personne derrière personne, nulle part ici ni ailleurs, jamais maintenant ni autrement, ni centre ni périphérie, Aprésence et préabsence communes à toute présence et à toute absence, à toute essence et à toute inessence, à toute existence et à toute inexistence, à toute subjectité et à toute objectité, à toute eccéité et à toute quiddité, à tout être et à tout devenir, à toute apparition et à toute disparition; habituellement sous-entendues, exceptionnellement exprimées, et alors une fois pour toutes.

Rien n'aura eu lieu que le lieu -- mais dans l'entre-temps de ce futur antérieur, tout le temps de la passion acharnée d'une illusion sensible, fût-elle aussi constellation.

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