Le nom propre, en particulier personnel, ne se laisse traduire ou interpréter que par une tautologie; cf. Exode iii, où le dieu unique se présente, à la lettre et en plus d'un sens, comme n'importe qui: je suis ou serai que, qui ou ce que je suis ou serai, voilà bien ce que tout parlant pourrait dire, et ne saurait dire sans parler pour ne rien dire.
Malgré les traces, les vestiges, les échos et les ombres de sens qui hantent l'articulation de son phonème et le tracé de sa signature, il ne signifie rien, sa fonction même l'exige. Jusque dans le contexte où il désigne et réfère, indifféremment d'ailleurs à un être "réel" ou "imaginaire", sa désignation et sa référence singulières ont pour corollaire son interchangeabilité grammaticale, structurelle et fonctionnelle: tout nom propre peut être remplacé par n'importe quel autre nom propre, ou pronom, sans que la proposition change de signification.
Le soi-disant personnel ne s'ajoute pas au prétendu réel comme la superstructure à l'infrastructure, ni comme la cerise sur le gâteau, ils se retrancheraient plutôt l'un de l'autre, comme deux modes d'ek-sistence symétriques. Plus on serait quelque chose, moins on serait quelqu'un, et réciproquement: cette polarité ambiguë, pour avoir un sens ne fût-ce que dans la langue, ne s'arrête à aucune limite et ne délimite aucun domaine -- ni "langage", ni "homme", ni même "vivant". La complicité antagoniste de ses termes sollicite, revendique et récuse tout concept de réalité et de personnalité -- a fortiori d'irréalité et d'impersonnalité.