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31 mai 2013 5 31 /05 /mai /2013 23:43

Ce n'est certes pas un chef-d'œuvre, mais une incontestable curiosité que ce Défroqué de Léo Joannon (1953) -- où il est pénible de voir Pierre Fresnay, égal à lui-même en "esprit fort", brillant, ironique et ascétique au début du film, se décomposer peu à peu en pitoyable énergumène du Malin (rôle qu'il joue terriblement mal) jusqu'à l'exorcisme final d'une rédemption tragique (qui rappelle, en beaucoup moins bien, la fin étonnamment christique du Beau Serge de Chabrol sorti cinq ans plus tard). Malgré l'étrangeté qu'offrent nécessairement au spectateur contemporain toutes les peintures, fines ou outrancières, du catholicisme d'avant Vatican II (http://oudenologia.over-blog.com/article-article-sans-titre-105982084.html), subsiste l'intérêt d'un thème assez rarement traité au cinéma: celui de l'ecclésiastique savant (et plus précisément historien) rallié objectivement à une cause anticléricale par rapport à laquelle il reste nécessairement, même s'il y adhère, en porte-à-faux (on imagine sans peine des figures comme celles de Loisy ou plus récemment de Dupont-Sommer derrière le personnage de Morand). Avec une question plus pointue et plus théologique, plus anachronique aussi, celle de la référence d'appel au Christ (le Jésus historique) contre l'Eglise (dont saint Paul est encore désigné, selon un préjugé tenace, comme le vrai fondateur), moteur inavoué de la "première quête" dont Renan demeure en France le modèle (cf. http://www.theolib.com/jesus-fougeras.html). Morand s'étiole devant son Christ sans Eglise, qu'il garde obstinément devant lui sous l'emblème du crucifix jusqu'à ce qu'il le jette finalement à la face de l'Eglise qui lui revient sous la forme du jeune prêtre Lacassagne (Pierre Trabaud) dont il a, à son corps défendant, occasionné la vocation. Symbolisme de plomb, mais la question n'en est pas moins brûlante. L'ensemble du film ferait d'ailleurs une charge anticléricale exemplaire, n'eût été la fin qui la renverse laborieusement et, il faut le dire, de façon parfaitement immorale. Les pieuses déloyautés du corporatisme ecclésiastique destinées à ramener au bercail la brebis égarée, ou plutôt le pasteur devenu loup féroce, se voient sans doute justifiées par la transcendance du dénouement, mais non pas moralement. Et que cela ne fasse pas question devient, instantanément, une question morale -- contre la transcendance même.

Restent de belles choses, comme la cérémonie d'ordination bénissant les mains appelées à bénir -- qui n'est pas sans rappeler la tendresse de Zarathoustra pour les mains du vieux pape hors service (iV, Ausser Dienst ):

Siehe, doch, was blieb dir aufgespart? Du hast Augen und Hand und Mund, die sind zum Segnen vorher bestimmt seit Ewigkeit. Man segnet nicht mit der Hand allein.
In deiner Nähe, ob du schon der Gottloseste sein willst, wittere ich einen heimlichen Weih- und Wohlgeruch von langen Segnungen: mir wird wohl und wehe dabei.
"Regarde donc: que t'a-t-il été ménagé ? Tu as des yeux, des mains et une bouche qui de toute éternité sont appelés à bénir. On ne bénit pas qu'avec la main.
"Près de toi, quoique tu veuilles déjà être le plus impie (sans-dieu), je sens une odeur familière d'encens, le doux parfum de longues bénédictions; auprès d'elles je me sens bien, et triste aussi."

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