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10 octobre 2013 4 10 /10 /octobre /2013 14:33

Mes regrets sont contradictoires -- malheureusement, ils ne s'annulent pas pour autant: n'avoir pas eu le courage d'être encore moins actif,  ni le talent d'être encore plus destructeur. La comparaison avec mes contemporains ferait plutôt pencher la balance vers le premier regret: nul doute que dans le même temps des capacités destructrices supérieures aux miennes se sont exercées à fond, je veux dire sans retenue intérieure, et qu'elles n'ont pas réussi à entraver ni même à infléchir sensiblement la marche du monde -- je parle ici du seul sabotage qui eût compté, quels qu'en eussent été les moyens de toute manière violents, attentats politiques ou poétiques qui eussent eu pour résultat, sinon pour objectif, de mettre hors service ou d'endommager décisivement le moteur économique de type occidental. De ceux qui, en revanche, auront laissé encore moins de traces, je ne saurai jamais rien, ce qui leur confère à mes yeux un avantage sans doute artificiel, mais indéniable -- quoique je ne me fasse guère d'illusion sur la nature de leur courage, pour le connaître un peu. Je les imagine moins terrifiés que je l'ai trop longtemps été par le regard des autres, moins soucieux de leur estime, moins inquiet de leur mépris, plus assujettis en revanche par leur démon réfractaire (celui de Balaam n'était-il pas parent de celui de Socrate ?).. De ceux-là en tout cas mes "œuvres" si minces soient-elles me séparent, d'un gouffre bien étroit mais non moins infranchissable.

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Mes chers amis: je vous suis resté trop fidèle pour vous rester fidèle -- pour compromettre ce qu'avait été notre amitié en  prolongeant son apparence au-delà de son temps. Et je vous suis infifiniment reconnaissant d'avoir fait mine de le comprendre, quand même vous ne l'aviez pas compris et ne le comprendriez jamais.

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Je serais évidemment resté "chrétien", sans m'encombrer comme je l'ai fait parfois d'un post- prépositionnel (dont je ne manquais d'ailleurs guère de souligner la redondance: tout chrétien, du moment qu'il n'est pas disciple immédiat de Jésus-Christ comme les Douze apôtres de la tradition, et quand même il prétendrait à une telle immédiateté par conversion personnelle ou par quelque raccourci mystique, est aussi, de par l'héritage culturel auquel il appartient, s'agrège ou fausse compagnie, un post-chrétien), si j'avais pu; ou plutôt, quitte à pousser l'évidence jusqu'à la lapalissade, si je n'avais pas pu faire autrement -- comme le juif athée, apostat, renégat, antijudaïque, voire antisémite (ça arrive plus souvent qu'on ne croit: saint Matthieu est à la fois le plus "juif" et le plus "antijuif" des évangiles), ne cesse nullement d'être juif. Je serais même volontiers resté catholique, malgré mes incursions biographiques dans le protestantisme sectaire, évangélique et libéral, et l'éclectisme encore plus large de mes divagations hérétiques ou apostates (semi-)privées, si j'avais eu le loisir d'entendre la catholicité à ma façon: dans un sens d'univesalité inclusive et non exclusive. comme totalité ouverte des croyances, idées et expériences situées dans la postérité directe ou indirecte (le cône d'influence) du christianisme, et non pas comme constitutif d'un socle dogmatique et institutionnel, par réduction au dénominateur commun des croyances et des pratiques partagées par tous -- c.-à-d. par tous ceux qui gardent voix au chapitre, qui restent pris en compte dans sa détermination circulaire (les hérétiques et les apostats étant précisément exclus de l'assiette de calcul du catholicisme historique, universalité dès lors exclusive et  relative). Une catholicité, en somme, dont nul ne pourrait déchoir, à laquelle rien de chrétien (ni de post-chrétien !), cela fût-il très partiellement, marginalement ou résiduellement chrétien, ne saurait être étranger. Qui n'aurait jamais pu désavouer, par exemple, ni l'islam ni les socialismes athées situés bon gré mal gré dans son sillage et portant ses traces, même oubliées. Certes, un  tel concept de catholicité constituerait un acte de violence symbolique permanent, contraire à tout principe d'autodétermination individuelle et collective (ce que ne manquent pas de faire remarquer les protestants et les orthodoxes d'Orient chaque fois que l'Eglise catholique romaine parle au nom de "tous les chrétiens", ou situe ses hérétiques et schismatiques aux marges d'un système concentrique dont elle occupe naturellement le centre): ce serait oublier qu'en contrepartie de son étendue une telle catholicité rendrait impossible l'exercice de tout pouvoir. Mais à quoi bon se battre contre l'histoire, l'usage, et les dictionnaires qui ne font que prendre acte de leur sanction irrévocable ?

 

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