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28 janvier 2014 2 28 /01 /janvier /2014 18:40

Un lien "hypertextuel" et un brln de curiosité m'ont amené aujourd'hui à un article du journal Réforme rendant compte de déclarations officielles de plusieurs instances protestantes françaises sur l'"euthanasie", où je n'ai guère relevé que la phrase suivante:

"Elle [la loi envisagée, effectivement projetée par le législateur ou fantasmée à l'avance par ses critiques, croit-on deviner en dépit d'une syntaxe elle aussi un peu lâche] pourrait même susciter chez certains, par souci de ne pas peser sur les leurs ou même la société, une sorte de « devoir » de quitter la vie."

Que ce "devoir" entre guillemets, doublement conjuré, ou exorcisé, par la typographie et la construction de la phrase (une sorte de "devoir", est-ce un pseudo-devoir, un devoir factice, fallacieux, illusoire, trompeur, par opposition à quelque vrai devoir, indubitable, indiscutable, incontestable ? de quel "point de vue" et sur quels critères, objectifs ou subjectifs, de véracité ou d'authenticité des "devoirs", les distinguerait-on ?), ait tout de même effleuré de son ombre l'esprit de nos professeurs de morale (pardon, d'éthique) protestante, qui d'ordinaire ne rechignent pas au sérieux du devoir et à la souveraineté de la conscience individuelle; qu'ils aient pensé assez fort "devoir" pour l'écrire et l'écarter aussitôt d'un revers de main, sans pour autant se donner la peine de le réfuter, appelant (begging for) comme un  mh genoito paulinien la question qu'ils semblaient justement vouloir éviter (et pourquoi, au fait, ne s'agirait-il jamais, pour personne, en aucun cas, d'un vrai devoir ?), voilà qui m'a arrêté, et nettement plus intéressé que le reste de l'article (que je ne qualifierai pas de décevant, tant la déception sur un tel sujet était prévisible et somme toute peu décevante).

Faut-il lire là, entre les lignes, une résurgence de la christologie protestante et en particulier calviniste de la substitution, où le Christ souffrant et mourant pour nous a souffert et est mort pour que nous ne souffrions pas et pour que nous ne mourions pas ? A lui seul, avant la gloire, le devoir ou la nécessité (de souffrir et de mourir), à nous la grâce d'en être dispensés de gré ou de force (ce qui d'ailleurs éclairerait aussi la bénédiction sans réserve de l'anesthésie qui fait contrepoids au refus de l'euthanasie). A telle enseigne que par une autre forme de culpabilité, s'imaginer devoir mourir pour autrui (comme le Christ) serait non seulement erreur mais faute, péché d'orgueil, hérésie blasphématoire qui priverait l'unique sacrifice vicaire de sa finalité utilitaire ? C'est symptomatiquement en terre protestante qu'un Kierkegaard a dû s'interroger non pas sur un devoir mais sur un droit de souffrir et de mourir pour quelque chose ou pour quelqu'un.

Mais la teneur de ce discours n'est-elle pas aussi largement déterminée par la situation (institutionnelle) de son locuteur (collectif) et par sa direction, à l'adresse du pouvoir exécutif et législatif ? Dans la position en plus d'un sens flatteuse du "conseiller du prince", fût-il "démocratique", peut-on traiter les "citoyens" autrement qu'en sujets, mineurs, faibles, incapables de décider eux-mêmes valablement de leur vie et de leur mort ? Que resterait-il d'ailleurs d'un quelconque pouvoir, politique ou religieux, sur des êtres capables, par devoir ou par simple désir, de décider de leur mort ?

 

 

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