Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 août 2016 6 20 /08 /août /2016 00:27

 

Les articles de presse dite "d'information" caricaturent peut-être un trait commun à tout discours, et plus vieux que la rhétorique formelle qui l'analyse, notamment dans la catégorie de la captatio benevolentiae: ils apparaissent, plus manifestement que d'autres textes, comme des plaidoiries, et le plus souvent comme des réquisitoires, qui constituent implicitement leurs destinataires en juges -- piètres magistrats sans doute pour la plupart, dépourvus de compétence, de formation en droit, d'instruction du cas particulier, d'expertise en son espèce et de débat contradictoire; mais d'autant plus flattés et enclins à s'en remettre aux conclusions qui leur sont soumises que celles-ci leur décernent, avec un dossier présumé complet (noms, faits, interprétations, circonstances atténuantes ou aggravantes, jurisprudence et quelquefois principes -- mais ceux-ci vont généralement sans dire), une présomption de compétence illimitée, qui ne sera remise en cause qu'en cas de jugement contraire (ce qui est plutôt dissuasif).

Dans la mesure où je parle ou écris pour persuader -- il n'est pas certain qu'aucun discours ou texte soit totalement exempt de cette intention -- je fais mine de constituer celui, celle ou ceux à qui je m'adresse en arbitres éclairés, même si je les tiens en mon for intérieur pour de parfaits crétins. C'est dire que, quel que soit mon jugement sur eux -- favorable, défavorable ou suspendu -- je ne leur confère pas l'autorité judiciaire en tant que destinataires sans me l'être conférée préalablement et suréminemment à moi-même en tant qu'auteur.

On peut mesurer à quel point le précepte évangélique "cessez de juger, et vous ne serez pas jugés" (Matthieu, vii, 1) -- qui lui aussi constituait ses auditeurs en juges, fût-ce pour les persuader de juger bon de se désister -- eût été ruineux non seulement pour tout système politique et judiciaire, mais aussi pour toute communication, s'il avait été un instant pris au sérieux.

* * *

A la fin la raison morale, lasse d'avoir trop longtemps lutté à contrebalancer les sentiments, change soudain de bord et les surcharge de tout  son poids. Si ce n'est pas la cause du naufrage, c'est un signe à peu près infaillible de son imminence. (Là-dessus un réactionnaire et un progressiste ou un décadent lucides pourraient s'entendre.)

* * *

Faut-il ? Telle était la question qu'il aurait fallu poser.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Narkissos
  • : un peu de rien, un peu de tout, derniers mots inutiles tracés sur le sable, face à la mer
  • Contact

Recherche

Archives

Liens