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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 11:08

Enfin vu Sarabande.

 

Je suis "entré" (par hasard) dans l'oeuvre de Bergman -- et, simultanément, dans cet amour particulier du cinéma qui est mien -- par Les Communiants. Ce qui m'a tout d'abord saisi c'est ce que j'appellerais, faute de mieux, une volonté (passionnée, brutale, obstinée, et en même temps attentive, délicate et scrupuleuse) de vérité dans l'expression (inséparablement visuelle et textuelle).

 

La vérité bergmanienne s'annonçait multiple, d'une multiplicité intransigeante et irréductible, autant à une complexité qu'à une simplicité. Chaque personnage, chaque relation, chaque instant de vis-à-vis ou de solitude en constituait une instance souveraine et définitive. De tous ceux-là ni totalisation, ni retranchement, ni mise en perspective (du point de vue de qui ou de quoi?); entre eux, ni négociation, ni médiation, ni moyenne, ni ratio. A mesure que l'oeuvre avance s'évanouissent peu à peu les velléités de rédemption et de rétablissement: la mort de Dieu est aussi celle du créateur, donc de l'auteur rédempteur; la caméra renonce -- à regret sans doute -- à jouer le rôle captateur du "Dieu-araignée" même sous les oripeaux de l'amour, dont la consolation superficielle se dénonce elle-même à la fin d'A travers le miroir. On ne peut pas tout avoir, vérité et morale édifiante. L'apaisement d'un "dernier mot" ne peut être que différé ou antidaté, telle la relecture du journal d'Agnes à la fin de Cris et chuchotements. Ou alors musical, comme la sarabande de Bach, celle-là précisément, qui dans le même film se substitue aux paroles lorsque Maria et Karin enfin réussissent à se toucher plus qu'à se parler, dans un moment d'épanchement d'autant plus gratuit qu'il restera sans lendemain. 

 

Cependant l'expression même trahit ce qu'elle traduit, voile ce qu'elle dévoile. Et à son tour elle vient en crise -- c.-à-d. en jugement -- dans Sarabande. La franchise insoutenable de la haine réciproque du père et du fils se met en question par son outrance même. Les personnages peuvent bien se donner une contenance et une consistance, dure comme celle de Johan ou lâche comme celle d'Henrik, ils ne la tiennent pas. Elle fout le camp "par les yeux, par la peau, par le cul" comme l'angoisse dans la "diarrhée mentale" de l'ermite consolidé, mais aussi dans l'échappée de Karin qui vide le père et maître incestueux de son sang et de sa substance. La seule vérité qui tienne debout est alors celle, absente, du portrait d'Anna défunte, éternel instantané d'une féminité fluide et compatissante, qui illumine un instant les visages promis malgré eux à un effacement bienheureux, tel le rayon de soleil dans les travées de l'église. 

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