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20 avril 2010 2 20 /04 /avril /2010 09:09

Revu Jour de colère et Ordet.

 

Tout - portraits, tableaux, scènes, actes, discours, antagonismes, enjeux, intrigue, mouvements de caméra, décor et éclairage - tend et conduit à cet instant unique d'illumination qui détend et adoucit les visages jusque-là campés dans leur vérité particulière, servie d'ailleurs avec d'autant plus d'impartialité que son dépassement à venir dispense du parti-pris; grâce qui transfigure sans donner raison à personne. Dans la grande tradition luthérienne, la simultanéité de la justification et de la pénitence (consubstantielles, elles aussi?) renouvelle l'une et l'autre, l'une par l'autre, sans jamais les confondre.

 

Reste, en ce qui concerne Ordet de la façon la plus patente, cette mise en abyme vertigineuse du "surnaturel" dans la folie de Johannes décadrée par la prolifération des cadrages décalés qui sont autant d'effets de miroir: regards de Johannes guéri, de sa famille pieuse, de la secte piétiste, du pasteur modernisant, du docteur rationaliste, du dramaturge ecclésiastique (Kaj Munk), du cinéaste "humaniste chrétien" et du spectateur anonyme. La puissance subversive de la foi se joue autant des règles de la fiction que de celles de la réalité. Par là ce film s'inscrit aussi dans une tradition riche et diverse de transgressions narratives résolument injustifiées (de La beauté du diable de René Clair aux Inglourious Basterds de Tarantino, p. ex.).

 

P.S. (11.5.10)

 

Revu La passion de Jeanne d'Arc (qui nous paraît irrésistiblement prophétiser celle d'Antonin Artaud, étonnant second rôle qui semble lire son destin inséparablement personnel et théâtral dans les yeux de Jeanne) et Gertrud -- de la sainte à la femme, d'une tragédie de visages à l'autre, une trajectoire de près de quarante ans:

- du plan rapproché saisissant chaque mouvement des âmes inquiètes à la distance qui transfigure les êtres en leur destin accompli -- tels qu'en eux-mêmes enfin l'éternité les change...

- de l'éclairage cru et cruel de la vie à la mort au clair-obscur glacial des corps d'avance mis au tombeau;

- de l'expression silencieuse au détachement lyrique:  

Je suis beaucoup de choses: la rosée du matin, qui tombe goutte à goutte des feuilles de l'arbre; les nuages blancs voguant nul ne sait où... je suis la lune, je suis le ciel... je suis une bouche qui cherche une autre bouche... Oui, c'est un rêve. La vie est un rêve... La vie est une longue, longue chaîne de rêves dérivant d'un rêve à l'autre.

Amor omnia: des deux mots que Gertrud fera graver sur sa tombe il n'y en a pas un de trop -- c'est très exactement entre les deux qu'elle aura été.

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