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12 septembre 2013 4 12 /09 /septembre /2013 14:02

Inégalité (des genres ?) devant l'hypostase: si, au fil des textes, des interprétations et des traductions, le Verbe (logoV, masculin) et  l'Esprit (pneuma, neutre) ont fini contre toute vraisemblance par devenir des personnes, divines de surcroîtDame Sagesse, Sojia, חָכְמָה, quoique ainsi nommée et dépeinte dès les textes sapientiaux de l'Ancien Testament (et bien avant si on la fait remonter à la Ma'at égyptienne), n'a guère dépassé dans l'imaginaire de l'Occident le statut de personnification littéraire d'une notion qui demeure envers et contre tout impersonnelle. Elle ne parle et n'agit que par figure de style, et on ne songe guère à s'adresser à elle.  D'autant que les hypostases abouties n'ont pas manqué de  de lui piller et de s'approprier tant bien que mal ses attributs, ce qui avait été d'abord, et malgré tout est resté, son bien à elle.

La prière gagnerait pourtant à être remplacée, de temps à autre, par un entretien avec cette vénérable commère, dont un Dieu d'ordinaire jaloux de son exclusivité a, par distraction peut-être, toléré la présence distincte à ses côtés, négligeant de lui assigner une place bien définie dans sa galerie de masques (personae) ou au sein de ses hiérarchies angéliques, commettant même l'imprudence de lui laisser la parole. Elle pourrait avoir encore beaucoup à dire.

Avec elle l'audience prend naturellement un tout autre tour que l'oraison: comme elle n'a rien à donner qu'elle-même,  on ne perdra pas son temps à la flatter de doxologies, à se répandre en contritions ni à solliciter quoi que ce soit.  Carotte et bâton, elle ne les manie pas, même quand elle en parle. Du reste elle ne se tient pas devant son interlocuteur comme une divinité dans son temple mais plutôt juste derrière lui ou un peu à l'écart, légèrement en retrait et au-dessus peut-être comme le symbole hindou de l"'œil de la connaissance". A distance du "sujet", humain mais aussi bien divin, qui pour fictif qu'il soit et se sache n'en continue pas moins de faire comme s'il existait dès lors qu'il parle et dit "je", toujours décalée, elle observe et écoute les mots et les choses; dans la mesure même où elle ne fait, ne peut et ne veut rien, rien d'autre du moins que ce qui est et arrive, vient et va, elle sait et comprend, sinon mieux, autrement; sa parole est écho différé de la nôtre, qui nous la renvoie avec des accents tantôt tendres ou ironiques. Auprès d'elle nous nous voyons et nous nous entendons, étonnés.

Elle se donne, disais-je. Mais à tout le monde et à personne. On ne s'imaginera pas l'avoir fait sienne et l'emporter avec soi sans entendre s'éloigner derrière soi son rire clair et implacable. Qu'importe ? Elle aime à s'amuser (מְשַׂחֶקֶת), et tout l'amuse, les hommes comme les dieux (cf. Proverbes viii, 30s). Le peu de temps qu'il reste auprès d'elle, chacun se comprend, si peu qu'il en rapporte lorsqu'il reviendra à lui.

 

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