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27 avril 2010 2 27 /04 /avril /2010 11:03

Je serais -- peut-être -- partisan d'une politique qui, au lieu de s'y résigner en faisant mine de freiner des quatre fers, quand elle ne prétend pas purement et simplement inverser le cours des choses par la seule vertu de ses incantations, voudrait, encouragerait, accompagnerait et s'efforcerait d'aménager, de rendre habitables, du point de vue de l'humanité et d'abord de l'Occident,

la décroissance,

la désindustrialisation,

la décommercialisation,

la détechnicisation,

la démédicalisation,

la désécurisation,

la démilitarisation,

la dépoliciarisation,

la dépénalisation,

la déjudiciarisation,

la désétatisation,

la déréglementation,

la décapitalisation,

la démonétarisation,

la démédiatisation,

la désurbanisation,

la dépopulation,

et ainsi, dans un sens à préciser, une certaine déshumanisation.

Une politique palliative en quelque sorte, mais joyeuse, du déclin, voire de la décadence, qui pourrait être aussi, paradoxalement, une "grande politique" au sens nietzschéen, si ce n'est la seule possible au point où nous sommes (cf. http://oudenologia.over-blog.com/article-untergang-41637009.html). Et qui n'aurait pas besoin, sauf à des fins tactiques peut-être, -- car il n'est pas exclu qu'elle ait longtemps à avancer masquée -- de se parer des atours du progrès.

Ce type de discours, même qualifié d'utopique (ou de dystopique, selon le point de vue), était plus audible il y a un demi-siècle, dans une période de croissance économique rapide et d'enthousiasme technologique, qu'il ne l'est aujourd'hui dans un contexte de "crise" où plusieurs lignes de ce "programme" (pas toutes, loin de là) se sont mises d'elles-mêmes en oeuvre.

Au-delà du comique et du symptôme, il y a peut-être une véritable myopie stratégique chez ces "libertaires" qu'on voit aujourd'hui, avec ce qui reste de post-trotskistes et de post-staliniens, résister à la désétatisation et à la déréglementation, tenter désespérément de les ralentir au lieu de les pousser en avant, ou au moins de les laisser aller à leur rythme vers leurs conséquences plus lointaines; car celles-ci auraient quelque chance d'emporter à leur tour les idéologies honnies (libérales et capitalistes), aujourd'hui triomphantes en apparence parce que seules en lice, mais au fond tributaires et solidaires des structures de l'Etat-nation élargies aux dimensions inter-, multi- et trans-nationales.

Le progrès technique rêvé dans les années 1950-60 (l'an 2000 de mon enfance) a pris un tour essentiellement multimédiatique. Nous ne voyageons pas dans l'espace, mais nous "communiquons en temps réel" avec la planète entière, bien que cela ne change pas grand-chose au contenu de la communication.

Et c'est justement de ce dernier "sommet" technologique que nous hésitons encore à redescendre. Redescendre, en effet,  c'est voir l'horizon se réduire et se resserrer. Il faut du temps -- et sans doute plus à un monde et à une époque qu'à un voyageur solitaire -- pour jouir du spectacle panoramique du sommet au point de le savoir et de pouvoir s'en détacher. Il faut avoir assouvi et accompli son désir de lointain pour accepter de redescendre, riche de son seul souvenir, vers l'ombreuse vallée où nous retrouverons le prochain, le corps à corps, le terre à terre, tout ce à quoi les hauteurs artificielles nous ont un temps donné l'illusion d'échapper; et pourtant, nous le savons, la pente conduit tôt ou tard à la vaste mer, d'où de nouvelles hauteurs, de nouveaux reliefs, de nouvelles dénivellations monteront même s'ils ne sont plus nôtres.

Il faudrait néanmoins, si l'on en croit toujours Nietzsche (Généalogie de la morale), se décider à mépriser avant que d'être dégoûté, à (se) précipiter avant que d'être précipité. Mais c'est peut-être là que se trahit encore chez son grand contempteur l'idéal ascétique. En vérité, la volonté du déclin ne saurait faire l'économie de la catastrophe. Elle a toutefois le pouvoir -- même lorsque celle-ci advient, même lorsqu'elle est advenue -- de la vouloir. C'est la grande découverte qui attendait Zarathoustra -- sur le sentier de la descente.

 

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