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7 février 2019 4 07 /02 /février /2019 09:04

Doigt invisible forcément au-dessus, au-dessous, à l'intérieur ou en arrière du moindre mouvement de doigt visible, et derrière celui-là un autre encore plus ou moins qu'invisible, et ainsi de suite en principe à l'infini, d'effet en cause et en intention, d'acte en puissance et en volonté, de moteur en motif et en mobile, de corps en âme, en esprit ou en sujet, en spectre, en ombre, en fantôme ou en fantasme, aussi longtemps du moins que la chaîne métaphysique et sophistique, régressive et réflexive à la fois, n'est pas brisée par plus arbitraire qu'elle, tel le nœud gordien d'un coup d'épée stupide et cependant plus intelligent que toute sa machination.

Regrets d'autant plus infinis qu'infiniment équivoques, où le remords du mal commis ou du bien omis ne se distingue plus de son supposé contraire, la nostalgie de l'acte ou de l'inaction mêmes. Tel le repentir du dieu créateur devant l'océan, ou ce qu'il en reste.

(Ce que le récit du déluge a perdu en intelligibilité dramatique en passant d'Atrahasis ou de Gilgamesh à la Genèse, et du polythéisme mésopotamien au monothéisme néo-judéen, il l'a gagné en profondeur paradoxale et ambiguë: la violence du même l'emportant sur tout autre emporte même le même.)

Mauvaise conscience des mauvais infinis ? Y a-t-il rien de tel qu'une bonne conscience, ou un bon infini ? A perte de vue d'autant qu'elle rend la vue courte, la brume qui se déchire pourtant inopinément, par l'éclaircie soudaine et sans raison d'un éclat de rire ou de la plus humble résolution; par la grâce légère du plus modeste commencement, d'histoire petite ou grande mais toujours d'avance finie, par définition. Autrement dit ou écrit, in-finie par dé-finition.

Libera nos ab infinito.

 

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6 février 2019 3 06 /02 /février /2019 09:29

L'immoralité de Dieu serait plus facile à prouver que son existence.

Mieux encore que les catastrophes, l'absence de catastrophe témoignerait de son indifférence morale.

Malheureusement ou plutôt heureusement la maxime blasphématoire, si brillante soit-elle, fond comme neige au moindre rayon de soleil, révélant un instant sa grise morale sous-jacente avant que le torrent l'emporte.

La fable de Phoebus et Borée (et de La Fontaine) l'avait durablement marqué.

Je suis (tu es, il ou elle est, nous sommes, vous êtes, ils et elles sont) une erreur, inséparablement humaine, animale et divine, physique et spirituelle, naturelle et artificielle. Une erreur de la vérité même.

*Vérification faite après l'avoir écrit, le titre est de Francis Ponge.

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5 février 2019 2 05 /02 /février /2019 08:50

Toute la violence et la souffrance du monde n'excéderont jamais celles de la plus obscure naissance -- que le moindre bonheur a oubliées et que le pire malheur ne reconnaît qu'à peine. La maternité seule s'en rapprocherait, au moment même où elle s'en délivre en les reproduisant, d'une répulsion et d'une expulsion compulsives. Cela pourtant -- compulsivement aussi -- se nomme joie: γυνὴ ὅταν τίκτῃ λύπην ἔχει ὅτι ἦλθεν ὥρα αὐτῆς ὅταν δὲ γεννήσῃ τὸ παιδίον οὐκ ἔτι μνημονεύει τῆς θλίψεως διὰ τὴν χαρὰν ὅτι ἐγεννήθη ἄνθρωπος εἰς τὸν κόσμον (Evangile selon saint Jean, xvi, 21). Où la mort à l'avance et en retard répond à la mère ou au père, à la terre, au ciel ou à la mer, jusque dans le contexte, le lapsus ou l'allittération qui, compulsivement encore, confère à l'errance sans fin de l'événement toujours singulier le tour illusoire et souverainement efficace du cycle, d'altération en itération: עָרֹם יצתי מִבֶּטֶן אִמִּי וְעָרֹם אָשׁוּב שָׁמָה / αὐτὸς γυμνὸς ἐξῆλθον ἐκ κοιλίας μητρός μου γυμνὸς καὶ ἀπελεύσομαι ἐκεῖ (Job, i, 21).

 

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4 février 2019 1 04 /02 /février /2019 11:19

Au commencement

pour le dieu même

il était trop tard déjà

pour n'avoir rien dit,

                    rien fait,

                    rien joué,

                    rien aimé,

                    rien voulu,

                    rien pensé.

Et depuis lors il faut bien que

tout avance ensemble à tâtons

ses mains ses pieds comme ses pions

les uns contre et avec les autres,

dieux, anges, diables, âmes

animales, végétales, minérales,

de bonne heure en mal heurt,

de regret en décision, de confusion en scission,

de désir en peur, de raison en calcul,

de stratégie en combat, en victoire, en défaite,

en cruauté, en compassion, en force, en grâce,

en négociation, en compromis, en transaction,

en échange, en commerce, en économie,

en don, en pardon, en trahison, en désertion,

en ruse, en invention, en fiction, en poème,

à la recherche de ce rien perdu

qui déjà ne pouvait plus être

-- seulement se jouer

et rejouer

au commencement.

 

acuérdate

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Published by Narkissos
3 février 2019 7 03 /02 /février /2019 09:34

Le doute d'être du bon côté de l'histoire, ou le soupçon d'être du mauvais, n'est inné à personne, peuple, classe, groupe, milieu, parti ou individu: on ne se conçoit a priori que bon, le mal c'est l'autre; mais bien avant la défaite ou la catastrophe, il s'insinue -- le doute ou le soupçon -- à mesure que l'histoire tourne mal en se faisant d'abord sensiblement plus difficile, hasardeuse, erratique, accidentée, chaotique et cahoteuse, pénible et laborieuse, artificielle et forcée. Moins facile à vivre, c'est-à-dire à raconter, à lire et à écrire, à comprendre ou à interpréter. Dès lors cependant qu'il apparaît, le doute soupçonne, le soupçon (se) doute et se double d'une autre alternative: erreur désastreuse ou absurdité générale, chaque hypothèse entraînant derrière elle son cortège de doute et de soupçon en cascade: promesse, espoir ou tentation de repentir, de conversion, d'amendement, de progrès, de pardon conditionné ou bien d'absolution immédiate et inconditionnée, au prix exorbitant et dérisoire de la fin de l'histoire et de son sens présumé. Doute et soupçon dont on sort d'autant moins qu'on n'a plus d'allié ni d'adversaire, ni peuple ni nation ni nature, ni homme ni femme ni vieillard ni enfant, ni ciel ni terre ni enfer, ni dieu ni diable, ni ange ni démon, ni animal ni monstre, ni être ni autre devant qui capituler et perdre enfin la face, déposer le masque et reposer le rôle.

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2 février 2019 6 02 /02 /février /2019 10:10

Ne fût-ce que par la tautologie de son autologie spéculaire, de la nomination générique et particulière par laquelle il se désigne comme il se réfléchit, le soi-disant homme homme ou femme, anthrôpos présumé androgyne, a-sexué comme bi-sexué, de là homo sapiens sapiens etc., n'eût pas été ce qu'il est sans son dernier spécimen, lui-même homme ou femme, fils ou fille d'homme et de femme, l'un ou l'autre. Fin de race et fin de règne, fin de génération, de généralité, de genre si dégénéré soit-il-ou-elle, au point que tout cela, nature, essence, espèce, race, nation, classe, milieu, famille, sexe, identité et individualité, lui devienne tout ensemble insupportable. De là sa mutation indécise et décisive vers autre chose, tout, rien ou personne, n'importe qui ou n'importe quoi, s'inscrirait pourtant a posteriori en signature, contreseing ou paraphe de toute son histoire, en amont de toute écriture et de toute grammaire, jusque dans la conjugaison et la flexion fonctionnelle de la langue la plus archaïque, dès lors qu'elle a donné lieu à un jeu personnel, toujours déjà inter- et intra-personnel, de la première personne déjà seconde à l'éventuelle dernière, et de part en part à du genre et à du nombre. Quoique à cela la première personne du singulier se soit peut-être toujours ménagé l'illusion d'échapper, unique en la retraite de sa singularité asexuée, comme en-deçà d'un sexe qui lui arriverait de l'extérieur (ainsi dans la grammaire hébraïque où elle est seule a priori sans genre).

En attendant le sexe, revenant à son "sujet" individuel promu et fragilisé comme il ne l'a jamais été mais le sera toujours davantage, constitué dans le miroir comme dans la langue par l'occultation de son corps, par le vêtement textile ou textuel qui l'a préalablement réduit au visage et aux mains, traduisant et trahissant sa différence corporelle en signe vestimentaire ou syntaxique, conventionnel et arbitraire (jupe ou pantalon, accord masculin ou féminin des adjectifs et des participes), lui advient à son tour comme le signe équivoque, merveilleux et catastrophique, de sa dépossession, au double sens de l'exorcisme et de l'aliénation sans retour. Dépossession réelle d'une fiction symbolique et imaginaire (pour causer comme Lacan) qui ne fait pourtant là  que commencer, premier d'une longue série qui annonce déjà son impossible fin; avant même le cadavre de l'autre qui se fait rare et tardif, le plus souvent refusé à la vue de l'enfant, au moins par le cercueil comme le corps vivant par le vêtement.

Physiologie coextensive aux jeux d'amour et de mort, si naïfs, pervers, ingénieux ou merveilleux soient-ils.

 

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1 février 2019 5 01 /02 /février /2019 10:08

χωρίς, without, etc.: entendre le "hormis" dans le "sans", le "hors", le "fors" dans le "hormis", l'espace ou la contrée (χώρα) qui s'ouvre à l'encontre de toute fermeture, hors de toute clôture, l'intarissable effusion de sens d'un sans répandu sans limite, dès lors que les bornes sont franchies, d'une brèche ou d'une blessure, d'un ban ou d'un ostracisme, d'un bond débondant ou débordant, débandade, désertion ou exil, saut ou chute, d'un bon pas ou d'un faux pas de scandale, autrement décidés, agis et subis. L'évasion, la délivrance, l'élargissement à l'infini dans le moindre a- privatif, dans le moindre e- exclusif de quoi que ce soit.

Angoisse d'être jeté ou laissé dehors, de l'Eden au déluge ou à la Pâque, des pleurs et grincements de dents évangéliques à Kafka; angoisse d'être coincé dedans, vêtement, chambre, maison, prison, école, caserne, Eglise, Etat, secte, milieu, monde, tombeau, enfer, moi ou soi, boîte petite ou grande, toujours trop étroite. Et le temps qu'il faut, toute l'illusion extensive d'une existence plus ou moins longue, pour qu'elles se neutralisent et s'annulent, ce qu'elles font pourtant sans faute et sans retard.

 

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31 janvier 2019 4 31 /01 /janvier /2019 13:07

de : le salut est poétique, et peu lui importe que le poète soit religieux ou irréligieux, monothéiste, polythéiste ou athée, théologien, philosophe ou charcutier, artiste ou philistin, doué, médiocre ou exécrable, béni ou maudit.

La beauté ne sauvera pas le monde, même la plus laide le sauve à chacune de ses apparitions; le monde entier et toutes ses histoires vraies ou fausses, gaies ou tristes, honteuses ou triomphales; elle sauve le tout d'aussi peu qu'elle le touche, sans empêcher rien de s'y perdre.

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30 janvier 2019 3 30 /01 /janvier /2019 09:05

Devenir enfant ou animal, arbre ou forêt, nuage, tempête, montagne, fleuve, océan ou constellation, dieu ou diable, ange ou démon, homme ou femme, corps, âme ou esprit.

Décider déjà, depuis le soupçon indécidable de la lecture ou de l'écoute silencieuses, si l'on a affaire à l'infinitif d'un verbe d'état et aux attributs de son sujet sous-entendu, ou bien à un substantif sujet d'un verbe d'état sous-entendu, auquel se rapporteraient dès lors tous les attributs: devenir aventure de quelqu'un ou de quelque chose, ou aventure du devenir même, de sujet en sujet, de substance en substance passagères.

*

*            *

Guère de présomption plus présomptueuse, et ridicule, que celle de l'innocence. Que cette fiction juridique immémoriale, fonctionnellement indispensable à la construction d'un concept de justice ou de droit, indispensable même à toute société où chacun est réputé innocent jusqu'à preuve du contraire, si souvent que ladite preuve soit administrée, ait pu s'enraciner et s'épanouir dans une civilisation et une religion du "péché originel" (et "universel") et lui survivre, là comme ailleurs malgré des millénaires de nocivité ordinaire et de nuisances extraordinaires, ce n'en est qu'une vertigineuse mise en abyme.

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28 janvier 2019 1 28 /01 /janvier /2019 19:22

La moindre vague d'angoisse, désormais, lui rappellerait qu'il était encore trop.

Il ne serait, hélas ! jamais assez haï ni méprisé de ceux qu'il avait aimés pour qu'ils voient d'où et comment il les aurait aimés.

Comme un miroir devant quoi personne ne s'arrête, l'âme qui lui survivrait. Triste, soulagée, oublieuse.

Ni âme trop large ou trop étroite, ni vie trop courte ou trop longue, pour en sortir.

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