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26 novembre 2010 5 26 /11 /novembre /2010 09:38

Il y a une chose (parmi bien d'autres) dont je n'ai pas parlé à propos de ma dernière "vision" de Stalker, http://oudenologia.over-blog.com/article-stalker-61147546.html, et cette (mise en) réserve pourrait s'expliquer par le pressentiment qu'elle allait déborder largement ce fil(m), et l'oeuvre de Tarkovski, et la cinématographie, et beaucoup d'autres rivages: c'est le motif (topoV, mythème, narrat[h]ème) quasi universel du "voeu" explicite ou implicite, mais assuré (par une parole) de sa réalisation, comme miroir et révélateur de la volonté, de l'âme, de l'essence du protagoniste telle que celui-ci l'ignore, ou ne sait pas la savoir (le conte d'Aladin en est peut-être l'avatar le plus populaire).

Dans Stalker, la Chambre -- à condition d'y croire -- joue ce rôle spéculaire; si dans le récit "montré" elle arrête les pèlerins en-deçà de son seuil, c'est aussi parce que celui-ci est invisiblement gardé par le spectre d'un autre "stalker", le Maître surnommé "Porc-épic", dont le récit verbal nous apprend qu'il a vu, lui, qu'il est devenu immensément riche et qu'il s'est suicidé. Une des pistes interprétatives qui s'ouvre à ce point, sans garantie -- car Tarkovski ne garantit aucune lecture -- c'est qu'il n'a pas supporté de (se) (sa-)voir, au miroir de l'accomplissement, ce qu'il était: cupide, et fratricide pour en arriver là, alors qu'il pensait sans doute avoir d'autres ambitions, plus "spirituelles", plus "élevées", qu'il nourrissait en un mot une autre "image" de lui-même.

Le motif reviendra dans  Le sacrifice, de façon beaucoup plus centrale et dénudé, réduit à l'alternative d'un oui ou d'un non. Dans la scène nocturne dont on ne saura jamais si elle est "réelle" ou "rêvée", mais dont la vérité sera scellée au réveil par le double sacrifice (incendie de la demeure et silence du secret), Alexandre sauve le monde en le risquant, sachant que tout tient à son désir dont il ne sait rien, sinon qu'il se réalisera. Vertige christique au seuil d'une apesanteur, littéralement, mariale.

Il y a déjà bien longtemps que je lis ainsi les promesses évangéliques de l'exaucement assuré moyennant la foi -- par-delà leurs variations  que je n'entends pas passer sous silence, du solipsisme marcien (panta osa proseucesqe kai  aiteisqe, pisteuete oti elabete, kai estai umin) au panchristisme johannique (o ti an aithshte en tw onomati mou touto poihsw). Ce qu'elles nous disent aussi, qu'elles veuillent ou non le dire, c'est que croire est l'unique moyen de savoir ce qu'on veut.

Définition qui se renverserait en négation:

On ne peut croire sans savoir (aussitôt) ce qu'on veut.

Avant de se compliquer en quasi-équations:

Le désir de croire coïncide avec le désir de savoir ce qu'on veut.

La réticence à croire coïncide avec la réticence à savoir ce qu'on veut.

Et, peut-être, de se simplifier en:

Croire, ce serait donc savoir ce qu'on veut ?

Si le visage est l'empreinte visible, le "caractère" (carakthr) énigmatique, l'apparaître phénoménal offert à tous hormis l'intéressé(e), de quelque vérité "personnelle" -- fût-elle toujours persona, masque-rôle indissociable d'une scène, d'un texte et d'une distribution -- et le masque funéraire sa dernière expression (reviennent, pêle-mêle, le mot de Sartre sur la responsabilité "de la gueule qu'on a", le Portrait de Dorian Gray, les plans aux miroir de Cris et chuchotements, et les réflexions spéculaires de l'Orphée de Cocteau), alors la foi (et l'espérance, et l'amour, ajouterait Paul) en est au moins l'un des miroirs tendus par anticipation: di'esoptrou en enigmati, through a looking-glass darkly.

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